samedi 16 mai 2009

Coeur Hivernal

Je regardais, sur le sol, ce fluide rouge qui s'écoulait, tel un ruisseau naissant. J'écoutais le souffle court mais rapide qui s'échappait de cette bouche crispée. Je contemplais cette main crispée sur le pommeau d'une rapière faite des métaux les plus rares. Des larmes coulaient des yeux bleu azur, emplis d'amertume. Quelques mots tentèrent de s'échapper de la gorge emplie de sang, mais aucun son ne sortit. Peu à peu, le corps, assis contre le mur de cette muraille sans nom, commença à glisser vers le sol, la tête partant en arrière, les membres devenant inertes. Puis, plus rien, plus un bruit, plus un geste, juste un visage calme et serein, les yeux fermés, comme ceux d'un simple dormeur. Je pense que l'on n'oublie jamais la première personne que l'on tue, non on ne l'oublie jamais. D'ailleurs je ne l'ai jamais oubliée.

Je suis né dans la vallée de Sarn, un soir d'orage, une nuit d'hiver, en un temps de guerre. Ma mère me donna vie, après plus de huit heures de souffrance. Comme cela est curieux, une naissance se fait dans la douleur et le sang, dans les cris et l'affolement. Lorsque l'on naît, en fait, quelque part, on commence, lentement à mourir.

Mon enfance fut simple. Un père Arcaniste, une mère couturière, étonnant non? Quand l'on sait que plus tard, mes parents seraient mes premiers clients. On me donna le prénom de l'un de mes ancêtres, Vildrun. Quel paradoxe, il mourut un soir de la main d'un sicaire, non loin de Darnaral, près d'une muraille sans nom. J'ai grandi dans les plaines vastes et paisibles de Sarn, loin de cette guerre qui se menait par delà la frontière, loin des cris, du sang et des larmes.

Quand j'atteignis l'âge de 16 ans, je fus envoyé auprès d'un vieil homme, il devait m'enseigner à lire et à écrire, m'apprendre les secrets des plantes et l'art de faire des infusions. Il m'apprit bien plus que ce que vous pouvez imaginer, oui bien plus. Ce vieil homme se nommait Adamar et était le plus vieil assassin du royaume. Mais ça, mes parents ne le surent jamais. Je passais deux longues années avec lui. Mon père ne comprit jamais pourquoi j'embrassais la carrière d'assassin, pourquoi je voulais aller là où mon nom m'appelait. Que pouvait-il comprendre, lui dont la vie était si simple, si paisible. Pendant ces deux années je donnais le change à mon nouvel instructeur, lui laissant croire que ce qu'il m'enseignait était nouveau. Pouvait-il se douter qu'Adamar m'ait déjà tout appris, que, désormais, le monde m'appartenait.

J'ai connu l'amour, le vrai, l'unique, celui que l'on ne rencontre qu'une fois dans sa vie. Elle était comme la brise d'été, douce et prévenante. Je pense qu'elle ne fut pas si heureuse que cela avec moi, je n'étais pas souvent là, mais elle ne se plaignit jamais. Elle fut toujours là à mon retour, jamais elle ne fut absente. Qu'il était agréable de sentir l'odeur de ce pain chaud qu'elle préparait, je le sentais à peine la porte de notre demeure ouverte. Elle se retournait et me souriait, puis venait poser un baiser sur mes lèvres et repartait, sans mot dire, finir de préparer le repas. J'avais la plus belle et la plus douce des femmes. Puis, elle est partie.

Elle est partie un matin, comme part la rosée du matin aux premières chaleurs de la journée. Elle est partie sans rien dire. Ce matin là pas de pain chaud, pas de baiser. Je suis resté des heures à regarder son corps sans vie dans ce lit froid, sans comprendre. Plus tard, ils me dirent, ces prêtres de pacotilles, qu'elle était morte dans son sommeil, que cela arrivait parfois, que l'on ne pouvait rien y faire. Que c'était la vie. J'aurais tant aimé lui dire une dernière fois je t'aime, la serrer une dernière fois dans mes bras. Je pense que ce jour là, l'hiver a envahi mon cœur, mon âme. Ce jour là je suis devenu aussi froid que la glace.

Parfois, certaines nuits, je rêve d'elle. Elle me dit qu'elle n'a aimé que moi, qu'elle fut heureuse, que je ne dois pas pleurer sa mort, qu'un jour nous serons réunis, que c'était ainsi, elle tente de réchauffer mon cœur. Mais quand je me réveille, sa chaleur me quitte.

Combien d'hommes, de femmes ai-je tué, je ne sais plus. Ma lame est emplie de leurs cris, leurs souffrances. Combien de vies, ai-je retiré, combien d'orphelins ai-je fais ? Certains me diront : c'est la guerre, on n'y peut rien, et pourtant.

Je regardais, sur le sol, ce fluide rouge qui s'écoulait, tel un ruisseau naissant. J'écoutais le souffle court mais rapide qui s'échappait de cette bouche crispée. Je contemplais cette main crispée sur le pommeau d'une rapière faite des métaux les plus rares. Des larmes coulaient des yeux bleu azur, emplis d'amertume. Quelques mots tentèrent de s'échapper de la gorge emplie de sang, mais aucun son ne sortit. Peu à peu, le corps, assis contre le mur, de cette muraille sans nom, commença à glisser vers le sol, la tête partant en arrière, les membres devenant inertes. Puis, plus rien, plus un bruit, plus un geste, juste un visage calme et serein. Les yeux fermés, comme ceux d'un simple dormeur. Je pense que l'on n'oublie jamais la première personne que l'on tue, non on ne l'oublie jamais. D'ailleurs je ne l'ai jamais oubliée. Il n'oubliera jamais, je l'ai vu dans ses yeux, il n'oubliera jamais. J'arrive mon amour….

FIN

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